Chaînon essentiel pour une meilleure prise en charge des malades, la recherche, qu’elle soit clinique, fondamentale ou translationnelle, s’affirme de plus en plus au sein de l’établissement avec des équipes et des unités de dimension nationale et internationale. Un nouvel élan est porté avec une restructuration de la direction de la recherche et la définition d’axes prioritaires. État des lieux et perspectives d’une activité moteur.
Le 16 janvier 2017, le CHU, comme le seront bientôt tous les autres CHU de France, a été soumis, pour la première fois de son histoire, à l’évaluation de ses activités de recherche par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, HCERES. Cette démarche permet d’avoir une vision sur ce que les établissements publics de santé apportent à la recherche médicale et à la santé publique aux côtés des grandes structures de recherche que sont le CNRS, l’Inserm ou les universités.
“Si cette évaluation ne remet pas en cause l’activité proprement dite de l’établissement, ce haut conseil émet un avis qui est potentiellement visible par tout un chacun souhaitant savoir qu’elle est la qualité de la recherche au CHU”, précise Harold Astre, directeur de la recherche et de l’innovation.
Pour le Pr Gérard Mauco, vice-président du directoire en charge de la recherche au CHU, le rendez-vous ne pouvait pas être manqué : “La recherche est partie intégrante de l’identité des CHU. Elle constitue, avec le soin et l’enseignement, l’une des trois missions qui sont l’existence même d’un établissement hospitalo-universitaire.” Avec deux enjeux majeurs : “Le premier, offrir les meilleurs soins aux patients par des recours à des médicaments ou des protocoles innovants mais aussi par une meilleure compréhension des caracté- ristiques de leur maladie. Le second est d’assoir l’établissement en matière de recherche afin de répondre aux appels d’offres nationaux et internationaux et d’attirer des essais thérapeutiques importants.”
Des structures leaders au niveau national et international
A Poitiers, la recherche s’affirme, depuis quelques années, de façon plus marquée avec un investissement fort du personnel hospitalo-universitaire et des structures de recherche de référence dans leur domaine : un centre d’investigation clinique (CIC 0802) Inserm-CHU ; trois unités Inserm-Université en recherche fondamentale et de transfert vers la clinique ; une équipe dans une unité CNRS-Université, un foisonnement de recherche clinique dans tous les services ; et un plateau technique notamment en imagerie, unique en Europe, développé au sein du nouveau centre cardio-vasculaire, avec une IRM 3T multi-noyaux connectée à un bloc opératoire et un scanner dernière génération ou un bloc dédié à la chirurgie éveillée en neurochirurgie.
Face à un environnement de plus en plus concurrentiel, il y a eu une prise de conscience au sein de l’établissement qu’il fallait toujours plus développer et soutenir la recherche. Aussi, cette évaluation a-t-elle été l’occasion de conforter l’engagement du CHU tout en redéfinissant des priorités.
La première a été d’affirmer, dans son rôle, la direction de la recherche par des moyens humains et financiers supplémentaires : la direction de la recherche compte aujourd’hui 35 personnes auxquelles s’ajoutent 80 professionnels de recherche dans les services.
Un centre de ressources biologiques en appui à la recherche
Faire de la recherche suppose de s’appuyer sur des collections d’échantillons biologiques et les informations qui y sont associées. Aussi, dans cette logique, le CHU de Poitiers dispose d’un centre de ressources biologiques. “C’est la réunion de deux entités, précise le Pr Samy Hadjadj, coordinateur scientifique du centre. On retrouve : la biothèque et ses collections biologiques (sang, ADN, urines, cellules, lait maternel…) installée au sein du centre d’investigation clinique, et la tumorothèque qui stocke principalement du tissu (organe sain et affecté par le cancer) au sein du service d’anatomie et cytopathologie. Ces échantillons sont essentiels, ils permettent notamment de rechercher des biomarqueurs à certaines pathologies et ainsi développer de nouvelles solutions thérapeutiques.” A l’heure actuelle, le centre de ressources biologiques compte environ 120 000 échantillons biologiques et 20 000 tissus tumoraux. “Plus il y a d’échantillons en circulation, plus cela contribue à faire évoluer la recherche.” Le CHU s’efforce de jouer ce rôle de diffusion en mettant à disposition ces échantillons à de nombreux centres en France et aussi dans le monde : la Norvège, les Etats-Unis, l’Allemagne ou encore l’Espagne. |
Création d’une plateforme méthodologique et biostatistique
Ensuite, le CHU a souhaité structurer la recherche sur le plan méthodologique en offrant des outils performants aux chercheurs. “L’idée est véritablement de passer d’une vision quantitative des projets de recherche à une vision qualitative”, précise Harold Astre.
Ce qui s’est traduit par la création en novembre 2016 d’une plateforme méthodologique et biostatistique. “Ces moyens existaient déjà au sein de l’établissement, mais ils étaient disséminés dans les différents services et laboratoires. Le souhait a été de créer une structure unique de façon à offrir le meilleur service.” Portée à la fois par le Dr Denis Frasca, coordonnateur scientifique, et par Harold Astre, la nouvelle plateforme a pour but d’assister les chercheurs de la conception à la valorisation d’une étude, en passant par la planification, le suivi des études, la gestion des données et l’analyse biostatistique. En parallèle, sont proposées des consultations de méthodologie. “Nous évaluons les connaissances du chercheur en matière des règles des bonnes pratiques cliniques, ce qui permet d’aborder avec lui les points d’achoppement et surtout de discuter du meilleur schéma d’étude (études prospectives, rétrospectives…)”, explique Denis Frasca.
Cette plateforme a permis de créer une unité, distincte de cette dernière, concentrée sur les objets connectés et les grands projets informatiques dans le domaine de la recherche. “Poitiers est un des seuls établissements en France à proposer ce type d’activité. Sous l’égide de Farid Guetarni, cette structure a pour but de s’occuper de la bibliométrie et d’appuyer des projets innovants notamment autour du big data”, poursuit Harold Astre.
Pour qu’un projet soit soutenu par la plateforme, il doit préalablement être évalué par un comité d’orientation qui décidera de son niveau de priorité. “A partir du moment où une étude a fait la preuve de son intérêt, le CHU peut se porter promoteur.”
Depuis la création de la plateforme, 30 projets ont été présentés et six ont fait l’objet d’une demande de programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). L’objectif est que cette plateforme prenne une dimension régionale en permettant l’accès à l’appui méthodologique pour tous les centres hospitaliers de l’ex-région Poitou-Charentes.
Avec la création de la région Nouvelle-Aquitaine, le CHU de Poitiers a intégré le Groupement interrégional de recherche clinique de d’innovation Sud Ouest Outre-Mer hospitalier (Girci Soho), qui comprend également les CHU de Limoges, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Nîmes, la Réunion, Fort-de-France et Pointe-à-Pitre.
Des financements liés à la qualité des projets de recherche
Les premiers effets de cette réorganisation se font déjà sentir. Cette année, quatre projets vont être financés par le PHRC à hauteur de 3,4 millions d’euros (voir encadré page suivante). Ce qui classe Poitiers, en 2016, comme le premier centre du Girci Soho en valorisation.
“C’est un excellent résultat qui confirme le dynamisme de nos équipes de recherche. Nous allons poursuivre cette dynamique et décrocher encore plus de financements !” précise le Pr René Robert, délégué régional à la recherche. Car les enjeux sont aussi financiers et la valorisation des travaux de recherche a un rôle primordial. “Un article paru dans une revue prestigieuse valorise le chercheur sur le plan national et international mais aussi la structure dans laquelle il travaille. Ce qui ouvre des perspectives pour participer à des études intéressantes et obtenir des financements.”
Les financements de l’État pour la recherche sont d’ailleurs calculés en fonction d’indicateurs de publication. “Plus les publications sont importantes et prestigieuses, plus les dotations sont élevées, note Harold Astre. Aujourd’hui nous percevons près de 20 M€ au titre de la recherche. 8 M€ sont dédiés à la formation des internes et 12 M€ compensent les surcoûts inhérents à l’activité de recherche : temps supplémentaire consacré à la recherche, surcoûts liés à l’utilisation des plateaux techniques spécialisés, à des équipements et traitements innovants.” Ce sont donc autant de moyens consacrés au développement du CHU. “C’est un cercle vertueux, un facteur d’attractivité”, souligne Gérard Mauco.
D’autres sources de financement sont issues de l’industrie pharmaceutique à laquelle le CHU sert de levier pour 700 études en cours. De grands instituts par le biais d’appels à projets (PHRC, Fondation de France, INCa) mais aussi des dons sous forme de mécénat comme Sport et Collection (250 000 €, soit 4 M€ depuis 23 ans) ou le fonds de dotation Aliénor lancé en 2016 soutiennent les chercheurs.
Un excellent succès pour le CHU auprès du PHRC 2017
Quatre médecins du CHU ont obtenu 3,4 millions d’euros au programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national 2017.
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Les différents aspects de la recherche clinique
A côté de la recherche fondamentale, dont le but est d’identifier et de comprendre l’ensemble des mécanismes qui interviennent dans le développement ou le traitement d’une maladie, il y a la recherche clinique qui est celle faite au lit du patient. Mais, cette frontière est perméable, on parle alors de recherche translationnelle. Elle permet de développer des applications cliniques à partir d’une découverte en recherche fondamentale ou de favoriser l’exploration de nouvelles pistes, théories ou concepts à partir d’une observation clinique. “Comme on dit dans notre jargon : “bench to bed”, de la paillasse au lit du patient, ou l’inverse “bed to bench”. Ce qui est assez fréquent, plusieurs chercheurs de l’établissement ont un pied dans les laboratoires Inserm (ou CNRS), notamment en ophtalmologie, en transplantation rénale, en cancérologie ou encore en neurologie et neurochirurgie.” “Ce sont des recherches qui se nourrissent l’une de l’autre, précise le Pr Antoine Thierry, néphrologue responsable de la transplantation rénale. Un des atouts de Poitiers est que nous sommes un établissement à taille humaine. Les interlocuteurs se connaissent, il est facile d’être réactif pour tester des hypothèses de travail. D’où l’intérêt d’être à la fois médecin et impliqué dans des unités de recherche.” D’autres études sont purement cliniques, permettant d’évaluer des pratiques, de proposer de nouvelles stratégies diagnostiques ou thérapeutiques.
Cette recherche est menée soit à l’initiative des praticiens de l’établissement, c’est ce qu’on appelle la recherche en promotion interne, soit l’établissement est partie prenante dans des études engagées par d’autres centres en France, c’est la promotion externe. Dans une forme comme dans une autre, la recherche peut être multicentrique, elle implique plusieurs centres hospitaliers en France comme à l’étranger. Elle regroupe l’ensemble des essais cliniques effectués chez l’homme. “Il faut remercier les malades participant à la recherche clinique en toute transparence. Même s’ils ne bénéficient pas toujours immédiatement de la recherche en cours, ils contribuent très largement aux avancées scientifiques et à la mise en place de traitements innovants dont d’autres patients bénéficieront”, précise le Pr René Robert.
La recherche au CHU en 2016 en quelques chiffres
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Quatre axes de recherche prioritaires
Une autre priorité du CHU, toujours dans cette logique de renforcer la recherche, a été de définir des axes prioritaires de recherche. Ils l’ont été selon leur reconnaissance scientifique mais aussi pour leur dimension structurante.
Le premier axe : technologies en santé. Cet axe s’appuie sur deux projets de recherche, l’un intitulé DACTIM-MIS dont la finalité est de mieux adapter les traitements anticancéreux, et le second baptisé Prismatics.
Une première à Poitiers, une association avec une unité CNRS-Université de Poitiers. DACTIM-MIS (Data Analysis and Computation Through Imaging & Modeling) constitue ainsi une des équipes de l’UMR- CNRS-LMA (Laboratoire, mathématiques et applications). Cette équipe, dirigée par le Pr Rémy Guillevin, s’intéresse à l’extraction et la modélisation mathématique de paramètres issus de l’imagerie médicale en exploitant les systèmes d’imagerie du centre cardio-vasculaire. Il s’agit de mettre en place des applications utilisant l’imagerie afin de mieux guider et adapter les chirurgies anticancéreuses des lésions tumorales cérébrales et, à terme, d’autres organes.
Quant à Prismatics (Predictive Research In Spine/neuromodulation Management And Thoracic Innovation in Cardiac Surgery), projet porté par le Pr Philippe Rigoard, il est né de la fusion de deux programmes de recherche à visée mé- dico-économique (PRME), coordonnés par le CHU : l’un sur la prise en charge des traumatismes thoraciques avec l’étude Emvols du Pr Christophe Jayle, et le second dans le domaine de la neurostimulation implantée (Estimet) pour les douleurs chroniques réfractaires du Pr Philippe Rigoard.
Concrètement, le premier porte sur la pose d’agrafes de titane afin de réduire les fractures costales multiples, quant au second, il s’appuie sur un nouveau type de stimulation médullaire appelée “stimulation multi-colonnes” pour soulager les patients souffrant de douleurs post-opératoires du dos et des jambes. “L’intérêt est ici de positionner un dispositif technologique innovant dans le parcours de soin du patient”, précise le Pr Philippe Rigoard. Deux études avec une finalité identique : “Démontrer l’efficacité de ces techniques mais aussi leur intérêt médico-économique, souligne celui-ci. Il paraissait logique de se réunir sous une seule et même entité, d’autant que nous avons les mêmes besoins en termes de personnels de recherche et de moyens techniques.” “Ce type de mariage entre équipes de recherche est quelque chose d’assez nouveau, la pluridisciplinarité des équipes peut déboucher sur des choses vraiment innovantes”, note Harold Astre.
Le deuxième axe : cancérologie. En matière de recherche en cancérologie, trois grandes thématiques se dégagent : les cancers colorectaux, les tumeurs cérébrales et l’hématologie. Une activité riche et foisonnante qui place le CHU comme étant un centre français important en matière de recherche.
Le Pr David Tougeron s’occupe de plusieurs protocoles de recherche clinique autour de nouvelles chimiothérapies, thérapies ciblées et immunothérapies (traitement qui vise à stimuler les défenses immunitaires du patient pour détruire son cancer) dans le traitement des cancers digestifs. “Je coordonne près d’une quinzaine d’études avec de nouveaux traitements des cancers digestifs, notamment ceux du pancréas, de l’estomac et du colon.” Les services d’oncologie et d’hépato-gastro-entérologie incluent chaque année plus de 50 patients dans ces essais thérapeutiques. Le plus souvent, ces études comparent de nouveaux traitements par rapport aux traitements de référence. Il y a également d’autres protocoles de recherche pour les autres tumeurs et les hémopathies malignes (Pr Jean-Marc Tourani et Pr Xavier Leleu).
Plusieurs études en recherche translationnelle sont également menées sur les cancers colorectaux notamment sur l’ADN tumoral circulant en collaboration avec le service de cancérologie biologique (Pr Lucie Karayan-Tapon) labellisé par l’Institut national du cancer (INCa). “Nous avons des techniques de biologie moléculaire de plus en plus performantes qui permettent de détecter de l’ADN des tumeurs dans notre sang. L’intérêt serait ainsi de pouvoir dépister et de prendre en charge plus tôt les cancers. Par exemple, pris à un stade précoce, un cancer du côlon a un pourcentage de guérison de l’ordre de 90 %.”
En matière de recherche fondamentale sur les tumeurs cérébrales, le Pr Karayan-Tapon réalise d’importants travaux sur la caractérisation des cellules souches à l’origine des gliomes afin d’expliquer la rechute ainsi que de la résistance aux thérapies conventionnelles et nouvelles. “Des passerelles existent entre les spécialités. Par exemple, nous étudions les métastases cérébrales du cancer du côlon, ce qui implique également les radiologues afin d’envisager dans le cadre d’un protocole un dépistage précoce. De plus, nous envisageons d’étudier et de comparer les cellules souches de métastases cérébrales du cancer du côlon aux cellules souches de gliomes.”
Autre spécialité, l’hématologie. Là aussi l’activité de recherche clinique est conséquente, notamment liée aux spécialités développées par le service. “Nous traitons des pathologies phares, pour leur gravité, comme les leucémies aigües, ou pour leur fréquence, comme la leucémie lymphoïde chronique, les lymphomes, myélomes ou encore les myélodysplasies”, précise le Pr Xavier Leleu, chef du service hématologie et thérapie cellulaire. Le service est organisé de telle sorte que chaque médecin ait une expertise nationale ou internationale dans son domaine. L’intérêt pour le patient est d’avoir accès à des molécules très innovantes, qui coûtent très cher et requièrent une expertise pour en assurer la bonne prescription, qui ne sont pas remboursées, par exemple le Daratumumab, un des premiers anticorps monoclonal thérapeutique développé dans le myélome.
“Cette recherche clinique est le socle de notre activité mais en parallèle nous développons la recherche translationnelle.” Poitiers se distingue particulièrement sur l’immunothérapie et le cancer dont la leucémie myéloïde chronique et le myélome. “En ce qui concerne l’immunothérapie, la recherche s’appuie sur les travaux engagés par le Pr François Guilhot sur la leucémie myéloïde chronique.” Poitiers est aujourd’hui l’un des plus gros centres en France reconnu sur ce type de cancer de la moelle osseuse. “Dans la poursuite de ces études qui ont décrit et identifié les cellules responsables, on veut comprendre les dérégulations du système immunitaire. Si on arrivait à restaurer l’immunosurveillance chez les patients, on arriverait peut-être à mieux guérir les malades. Aujourd’hui, nous ne sommes pas loin de comprendre les causes de son dérèglement. En hématologie, il est évident que l’immunothérapie sera un des traitements de demain.”
Pour ce qui est du myélome multiple, plusieurs études ont démarré en utilisant l’immunothérapie comme clé pour améliorer la profondeur des réponses, donc la survie des patients. Une autre va s’intéresser à quelques patients dits “long survivor” qui malgré cette maladie systématiquement mortelle ont une durée de vie importante.
Troisième axe : transplantation. Dans ce domaine, le CHU de Poitiers a une expertise reconnue notamment sur la thématique ischémie-reperfusion via son unité Inserm 1082 et la plateforme pré-clinique de Surgères, qui, à partir d’un modèle porcin, reproduit des situations rencontrées en clinique humaine pour mieux comprendre les mécanismes physiopathologiques mis en jeu.
De cette recherche sur la conservation des greffons découle alors une recherche clinique d’excellence sur la minimisation de l’immunodépression chez les patients greffés. “Une grande partie de nos patients sont inclus dans des études cliniques pour évaluer des stratégies de traitements anti-rejet, précise le Pr Antoine Thierry, néphrologue responsable de la transplantation. L’idée est de réduire au maximum les traitements immunosuppresseurs pour en limiter les effets secondaires. Le but est, malgré des greffons issus de donneurs de plus en plus âgés (voir encadré ci-dessous), d’augmenter leur durée de vie, tout en assurant la qualité de vie des receveurs. Sur ce thème, je suis investigateur d’une étude nationale multicentrique qui concerne 13 centres en France.” Toujours dans cette thématique, l’équipe du service de néphrologie et des chercheurs de l’unité Inserm 1082 s’intéressent à la compréhension des mécanismes de la cancérogénèse chez les patients greffés. Enfin la compétence reconnue au niveau national du service d’anatomopathologie pour l’analyse histologique du greffon rénal est un atout précieux pour le succès de ces recherches au sein du CHU de Poitiers.
SUPORT, l’excellence d’une fédération autour des greffes et conservation d’organes
Depuis 2014, l’unité Inserm 1082 du CHU de Poitiers est intégrée au sein d’une fédération hospitalo-universitaire SUPORT (SUrvival oPtimization in ORgan Transplantation), relative aux greffes et conservation d’organes qui associe des équipes des CHU de Poitiers, Limoges et Tours. Son originalité : penser le parcours global du greffon, du donneur au receveur. “L’intérêt de cette fédération est de combiner l’excellence en termes de soins, de recherche et d’enseignement. C’est un guichet unique pour les essais cliniques, l’enseignement inter-universités, le partage des bases de données cliniques, les bancs de perfusion…”, souligne Thierry Hauet, directeur de l’unité Inserm 1082 et coordonnateur scientifique de la FHU. Un des axes principaux de SUPORT porte sur la conservation des organes et la limitation des lésions de l’ischémie reperfusion (stress subi par l’organe entre le prélèvement et la reperfusion sanguine) et les conséquences que cela va avoir chez le receveur. “Aujourd’hui, nous manquons de greffons, à tel point que les prélèvements s’effectuent sur des donneurs beaucoup plus âgés ou des patients décédés. Ces greffons sont plus fragiles à ces phénomènes de conservation. Aussi, des organes qui pourraient être transplantés ne le sont pas, le but de cette coopération est d’éviter cette situation.” L’intérêt est alors de mieux connaître les phénomènes lésionnels de façon à mesurer leur activation et quantifier la qualité de l’organe, pour apporter un traitement personnalisé au receveur. Le CHU de Poitiers est particulièrement investi dans les recherches sur les conservations des organes sur le modèle porcin via la plateforme préclinique de Surgères. En termes d’activité clinique, SUPORT figure en haut du tableau. L’an dernier, près de 240 transplantations rénales ont été réalisées, ce qui la place au 1er rang national; près de 30 transplantations cardiaques ont été pratiquées (2 à 3e rang national), et 100 transplantations hépatiques (3 à 4e rang). Une reconnaissance qui lui permet d’être compétitif pour décrocher un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). |
Le quatrième axe : ophtalmologie. Cette thématique est particulièrement récente au CHU. Le Pr Nicolas Leveziel est très actif dans l’étude de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). “Nous menons un protocole institutionnel d’essais cliniques sur la DMLA exsudative (forme humide) et trois protocoles d’essais cliniques dans la DMLA atrophique (forme sèche).” Le CHU est d’ailleurs centre de référence nationale pour deux des trois essais cliniques sur cette forme de DMLA.
“Nous menons également un protocole sur la rétinopathie diabétique. Il a pour objet d’évaluer l’effet des injections intravitréennes (IVT) par rapport au traitement de référence de la rétinopathie proliférante qui est actuellement la photocoagulation laser.”
Autre axe de recherche : la myopie. Le CHU vient de signer un partenariat avec un industriel de l’optique pour réaliser une étude épidémiologique nationale devant durer trois années. Objectif : “Mieux comprendre les différents facteurs de la myopie afin de développer des politiques de prévention ou d’identifier des facteurs de risque.”
A côté de cette recherche clinique, le Pr Leveziel mène, au sein de l’équipe 1 du laboratoire Inserm 1084, des travaux en recherche fondamentale sur la DMLA. “Le but est de comprendre pourquoi certains patients âgés développent cette maladie et d’autres non.” La finalité est d’arriver à développer un modèle de DMLA humain in vitro pour mieux comprendre les mécanismes qui conduisent au développement de la maladie. “Poitiers est un des rares centres à avoir l’autorisation de l’agence de biomédecine d’utiliser des cellules souches embryonnaires sur la thématique de la DMLA.”
Les têtes de pont de la recherche : le centre d’investigation clinique et les trois unités Inserm
Les chercheurs peuvent s’appuyer sur les trois unités Inserm-Université de Poitiers, ce qui souligne l’excellence du CHU en matière de recherche au niveau national et international. L’ensemble des unités de recherche et le centre d’investigation clinique ont également fait l’objet d’une évaluation par l’HCERES en 2017 qui a souligné l’excellence de leurs travaux et leur reconnaissance au plan national et international. L’unité 1082, dirigée par le Pr Thierry Hauet, “Ischémie reperfusion en transplantation d’organes, mécanismes et innovations thérapeutiques”, est en fort partenariat avec la plateforme de chirurgie pré-clinique de Surgères et la fédération hospitalo-universitaire (FHU SUPORT).
L’unité 1084, “Laboratoire de neurosciences expérimentales et cliniques “, est dirigée par le Pr Mohamed Jaber. Elle est composée de plusieurs équipes œuvrant à un niveau d’excellence international dans le domaine des neurosciences, des addictions ou encore des maladies neuro-dégénératives. Elle regroupe des chercheurs issus tant des sciences fondamentales que du CHU.
L’unité 1070 du Pr William Couet, “Pharmacologie des anti-infectieux”, cherche, face à l’émergence des bactéries résistantes et à la pénurie de nouvelles molécules, à optimiser l’usage des antibiotiques avec un triple objectif : accroître l’efficacité, contrôler la toxicité et limiter l’émergence et le développement des résistances. Elle est quasi unique en France et a une reconnaissance internationale forte.
Autre tête de pont de la recherche au CHU : le centre d’investigation clinique labellisé Inserm-CHU de Poitiers (CIC 1042). Il est à l’interface entre les cliniciens du CHU de Poitiers et les équipes de recherche fondamentale. “Historiquement, et c’est une spécificité de Poitiers, le CIC a toujours été très orienté recherche clinique avec des travaux leaders au plan international sur plusieurs thématiques notamment en hématologie sur la leucémie myéloïde chronique, en diabétologie sur le déclin de la fonction rénale ou encore en neurosciences sur les maladies neurodégéné- ratives (maladie de Parkinson ou d’Alzheimer)”, souligne le Pr Samy Hadjadj.
Le CIC offre aux cliniciens un espace de recherche et un appui logistique – du matériel technique spécifique – et du personnel dédié – méthodologistes, attachés de recherche clinique, techniciens de recherche clinique, infirmières…
Depuis janvier, dans le cadre de l’évaluation HCERES et en prévision de son renouvellement Inserm en janvier 2018, le CIC s’est fixé de nouvelles priorités en redéfinissant ses thématiques autour de quatre grands axes :
- THOR (Targets in Hematology and Oncology Research) : immunosurveillance, immunothérapie, mécanisme de résistance aux drogues, cellules souches hématopoïétiques en oncologie et oncohématologie, en lien avec le registre régional du cancer ;
- ACDC (ageing and chronic diabetes complications) : vieillissement et diabète, déterminants du déclin fonctionnel (rénal, oculaire, vésical, cognitif), en lien avec de nombreuses cohortes ;
- Alive (Acute live injury and ventilation) : insuffisance respiratoire (de la physiologie à la réanimation), sommeil et fonction respiratoire ;
- Hedex (Health endocrine disruptors and exposome) : exposition aux perturbateurs endocriniens et effet sur la santé, avec des approches de population et d’intervention.
Ces deux derniers axes sont des thématiques émergentes pour le CIC. A côté de ces quatre axes, un groupe en neurosciences travaille sur la compréhension des troubles des maladies de Parkinson, Gilles de la Tourette et Huntington et sur la mise au point de thérapies innovantes.
Les métiers de la recherche
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Vers l’émergence de nouvelles équipes
“Le CHU, qui a pendant très longtemps privilégié le soin, peut s’enorgueillir d’avoir su s’affirmer en matière de recherche. Mais il doit poursuivre cette dynamique pour continuer à se démarquer, ce qui, en termes stratégiques, sera une nécessité”, souligne le Pr Gérard Mauco.
Le centre d’investigation clinique est pleinement dans cette logique en souhaitant s’inscrire dans une démarche plus translationnelle. “Nous allons rapprocher le CIC des unités de l’Université de Poitiers, notamment les équipes Inserm, afin de créer plus de passerelles. Il faut nous nourrir de la recherche fondamentale”, précise le Pr Samy Hadjadj.
Autre souhait de développement du CIC : attirer des tests en phase précoce des médicaments. “C’est ce que l’on appelle la phase 1, celle qui lance les tests d’une nouvelle molécule appelée à devenir médicament. C’est la phase la plus lourde, la plus aléatoire, la plus surveillée. Une structure comme le CIC peut répondre pleinement aux exigences de qualité et de sécurité pour les patients.” L’intérêt est double : “Avoir un accès privilégié à l’innovation et attirer de nouvelles sources de financement.”
La recherche clinique peut permettre à de nouvelles équipes de se distinguer. C’est notamment le cas de l’axe Alive développé au sein du CIC et dirigé par le Pr René Robert. Un premier volet, sur la détresse respiratoire, s’appuie sur les travaux de recherche du docteur Jean-Pierre Frat, intitulé Florali. “Trois méthodes d’oxygé- nation ont été observées pour diminuer le recours à l’intubation, explique René Robert. Elles ont montré une baisse de la mortalité et des complications grâce à l’oxygénothérapie nasale à haut débit.”
Ce travail a été publié dans le très célèbre New England Journal of Medecine. D’autres publications de haut niveau ont suivi.
Une deuxième étude, dite Florali 2, vient de se terminer et concerne les patients de réanimation en insuffisance respiratoire aiguë. Une troisième étude va dé- marrer sur le même modèle, mais appliquée à la détresse ventilatoire chez les malades immunodéprimés.
Au sein du groupe Alive, le Pr Xavier Drouot, du service de neurophysiologie, travaille sur la relation entre le manque de sommeil et les performances musculaires. Des études seront faites sur des volontaires sains et sur un modèle animal en lien avec l’unité Inserm 1084. L’ensemble de ces travaux pourraient permettre à terme de déboucher sur une labellisation en équipe Inserm-Université ou équipe associée (EA).
Autre axe émergent du CIC : Hedex (Health, Endocrine Disruptors, EXposome), dirigé par le Pr Virginie Migeot, qui porte sur l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens. Cette équipe pluridisciplinaire travaille sur deux aspects : comment bien estimer l’exposition humaine aux perturbateurs endocriniens et comment la limiter. “Les perturbateurs endocriniens sont partout et l’on sait qu’ils sont probablement à l’origine de maladies chroniques telles que le diabète, l’obésité ainsi que certains cancers… L’originalité de notre approche est basée sur le fait de valider des biomarqueurs d’exposition.” Concrètement, c’est pouvoir, de façon très fiable, doser dans les liquides biologiques la présence de ces molécules. Le deuxième axe, sur la limitation de l’exposition, portera sur une approche de recherche interventionnelle : “C’est-à-dire comprendre quelles interventions proposer pour mobiliser les populations et en faire des consommateurs actifs”, ce qui se fera via la maison de la santé publique du CHU qui devrait ouvrir en 2018.
Se rapprocher des laboratoires de l’université
Toujours dans cette volonté d’apporter une nouvelle dimension à ses activités de recherche, le CHU souhaite se rapprocher des laboratoires de l’université.
“C’est notamment le cas concernant la recherche en cancérologie, qui est très importante dans l’établissement, mais sans coordination avec les laboratoires de l’université et notamment le laboratoire CNRS de chimie IC2MP (Institut de chimie des milieux et matériaux)”, souligne le Pr Gérard Mauco. Cet institut peut être un partenaire essentiel de par ses particularités. Pour rappel, toute la chimie de l’anticancéreux, le Javlor, a été faîte par ce laboratoire. Une démarche identique est en pleine expansion avec l’institut P-prime sur plusieurs aspects : résistance des matériaux, robotique…
Pour conforter ces liens, il a également été décidé de restructurer le comité de la recherche en biomédicale et en santé publique. “Jusqu’à pré- sent, ce comité, qui existe depuis 2005, seule place d’interface entre le CHU et l’université, ne permettait pas, de par sa composition, de déboucher sur des prises de décision aisées. Il a été donc été décidé de nommer des représentants des deux établissements (quatre par institution) ainsi que quatre représentants des organismes associés (Inserm, CNRS, INRA) qui seront amenés à se rencontrer, de façon à proposer des voies de collaboration et de coordination entre l’université et le CHU.”
Le souhait est aussi de mieux structurer l’interaction entre les unités de recherche labellisées (équipes d’accueil de l’université, unités Inserm-université ou CNRS-université) par la création d’un institut de biologie santé de Poitiers.
“L’idée est de regrouper l’ensemble des unités Inserm et équipes d’accueil de l’université, qui seront encadrées par une direction administrative et un conseil scientifique, afin d’encourager les émergences, les collaborations. L’objectif : se différencier par des spécialisations que d’autres n’ont pas.”
Une spécialisation que le Pr Mohamed Jaber, responsable de l’unité Inserm 1084, estime primordiale pour l’avenir. “Dans le cadre de la nouvelle grande région, avec ses unités Inserm, il est évident que Poitiers devra montrer son niveau scientifique et son identité vis- à-vis des unités bordelaises.”
Développer la recherche paramédicale Grâce à la coordination générale des soins, via Marlène Arbutina, cadre supérieure de santé, et Aurélie Girault, coordonnateur paramédical de projets de recherche, et avec le soutien de la direction de la recherche et de l’innovation, les professionnels paramédicaux, désireux de se lancer dans l’aventure, trouveront l’appui nécessaire pour mener à bien leurs projets. Ensemble, elles ont conçu une offre de formation dédiée à la recherche paramédicale et ont organisé, avec le soutien de la direction de la recherche, la première édition des ateliers pour la recherche paramédicale au CHU de Poitiers. “La recherche n’est pas dans la culture des soignants de la même manière que pour les médecins”, précise Marlène Arbutina. Dans les quatre réanimations du CHU de Poitiers, certains infirmiers sont habilités à poser des perfusions par échoguidage, acte auparavant réservé aux médecins. C’est un fait désormais possible grâce au travail de l’équipe Apive (Abord périphérique intra veineux échoguidé) composée du Dr Thomas Kerforne, de Christelle Plumereau, cadre de santé en réanimation chirurgicale, Ronan Allard-Duchêne, Emilie Griffault et Guillaume Batiot, infirmiers. “En 2012, le docteur Thomas Kerforne rédige un mémoire sur cette technique de perfusion par échoguidage qui est utilisée, par exemple, sur des patients atteints d’œdèmes et difficiles à piquer”, souligne Christelle Plumereau. Vient alors l’idée pour l’équipe médicale de former des soignants de réanimation chirurgicale à cette technique. L’équipe Apive a, par la suite, conçu et dispensé, au CHU de Poitiers, la première version de la formation. Depuis 2016, avec le soutien de la coordination générale des soins, une deuxième version de la formation est rédigée et l’idée d’un projet de recherche paramédicale apparait : “En 2016, nous avons choisi de partir de ce projet de recherche médicale pour écrire notre projet de recherche paramédicale : comparer la prévalence des complications survenues lors de la pose de perfusion standard versus la pose de perfusion sous échoguidage”, agrémente Ronan Allard-Duchêne. Un travail avec la direction de la recherche Le PHRIP : un appel à projet emblématique de la recherche paramédicale |