Le professeur Marc Paccalin a pris ses fonctions de doyen de la faculté de médecine et pharmacie de Poitiers en pleine crise épidémique. Dans ce contexte, il est devenu administrateur de droit du conseil d’administration du fonds Aliénor, succédant au Pr Pascal Roblot à ce titre. Il travaille en équipe à la mise en œuvre des réformes des études en médecine effectives à la rentrée universitaire prochaine. Optimiste et volontaire, il revient sur cette période si particulière.
Comment s’est passée votre prise de fonction en pleine crise sanitaire ?
Les élections ont eu lieu le 16 janvier et j’ai pris officiellement mes fonctions de doyen le 17 février après un mois d’échanges avec mon prédécesseur, le Pr Pascal Roblot. Cette prise de fonction est déjà particulière puisqu’elle coïncide avec les réformes des études en santé. Avec la crise sanitaire, je me retrouve un peu seul au sein de la faculté, entouré du Pr François Seguin et des assesseurs – les professeurs Rémy Perdrisot, Denis Sarrouilhe, Jean-Philippe Neau, Christine Silvain, Xavier Dufour et Xavier Drouot –, et secondé en télétravail et efficacité par les membres du personnel de la faculté.
J’ai laissé la chefferie du pôle de gériatrie au Dr Florent Seité après deux mandats mais je reste toujours sur le terrain ; c’est essentiel. Mes fonctions intrahospitalières ont été bien soulagées par mes collègues.
En quoi la crise sanitaire a-t-elle bouleversé le fonctionnement de la faculté de médecine ?
En cette période de confinement, il a fallu assurer la continuité pédagogique auprès des étudiants. Ce fut un véritable challenge. Nous avons la chance à la faculté d’avoir une plateforme numérique. Les enseignants ont pu ainsi mettre les cours à la disposition des
étudiants. Certains collègues ont même mis en place des web conférences interactives. Nous avons mené une enquête et nous nous sommes rendu compte que les étudiants sont très à l’aise avec les outils numériques. Mais
nous devons faire attention à la fracture numérique ; nous avons prêté des outils à certains de nos étudiants.
La crise sanitaire est source d’angoisse pour beaucoup d’entre eux. De plus, ils ont dû totalement modifier leurs méthodes de travail, au domicile, en famille, sans repli vers la bibliothèque universitaire… Près d’un tiers d’entre eux déclarent aujourd’hui avoir moins ou moins bien travaillé qu’à
l’accoutumée. Nous restons en lien avec eux pour les aider à gérer leur stress ; pour répondre à toutes leurs questions. Nous bénéficions, pour cela, de l’aide de l’équipe Come’in gérée par le Pr Virginie Migeot et le Dr Houria El Ouazzani. Des séances de sophrologie gratuites leur sont proposées. L’hôpital Henri-Laborit a assuré, pour sa part, une écoute téléphonique.
Le concours de la PACES et l’examen classant national (ECN) étant maintenus, nous les avons organisés avec l’aide de l’Université afin qu’ils se déroulent dans des conditions de sécurité sanitaire optimales. Il a fallu aussi organiser la poursuite des étudiants en médecine et pharmacie en stage hospitalier. Nous avons ainsi mis en place un système de rotation afin qu’ils viennent en effectif réduit dans les centres hospitaliers pour répondre aux besoins et garantir les mesures barrières.
Beaucoup d’étudiants se sont portés volontaires pour faire face à la crise ?
Dans le cadre de cette crise, les étudiants ont été très motivés. Ils nous ont aidés à gérer les rotations dans les services. Certains se sont investis pour prêter main forte dans des hôpitaux des zones les plus affectées, dans des centres médico-sociaux soit en tant qu’aide-soignant ou agent de service hospitalier. Beaucoup se sont inscrits sur des listes mais force est de reconnaître qu’il n’y a pas eu besoin de beaucoup en recruter. Quoi qu’il en soit, ils méritent tous des félicitations.
Malgré la crise sanitaire, les réformes des études en santé vont-elles être maintenues ?
Toutes les réformes sont conservées. Les réformes du 1er et 3e cycles auront bien lieu. La réforme du 2e cycle est maintenue avec évaluation des connaissances et des compétences, et toutefois une petite modification. De par la situation sanitaire, l’organisation de l’examen classant national sera conservée en fin de 6e pour la future promotion entrant en 4e année, avant de basculer en début de 6e année.
En quoi consistent ces réformes ?
La réforme de la première année commune des études en santé (PACES) qui est la plus importante prend effet en septembre. L’Université de Poitiers a pour spécificité de proposer une licence accès santé (L.AS) fédérant 14 disciplines : langues, lettres, sciences économiques, droit, biologie, sciences du sport… D’autres universités proposent également ce système de L.AS mais aucune avec 14 licences. Et c’est là, le vrai esprit de la réforme : permettre à des personnes d’horizons différents d’accéder à des études en santé. Plus de 800 néobacheliers seront accueillis au sein de ces 14 licences. Leur première année comportera des enseignements en santé et des cours de la licence disciplinaire choisie. Il ne s’agit plus d’un « concours » mais l’accès en seconde année de santé, quelle que soit la filière (odontologie, maïeutique, médecine, masso-kinésithérapie, pharmacie) sera identique. En revanche, ceux qui n’auront pas un classement permettant de poursuivre en études en santé, pourront, si les évaluations sont validées, passer en 2e année de la licence disciplinaire de la discipline. La rentrée prochaine sera compliquée pour les enseignants et la scolarité qui auront à organiser l’enseignement des redoublants de la PACES actuelle et celui des étudiants en L.AS avec probablement des conditions sanitaires peu propices à réunir des promotions importantes.
En second cycle, le programme était à la fois trop lourd et trop spécialisé, il a été ainsi décidé de l’alléger. Le mode d’évaluation ne se basera plus seulement sur les connaissances mais également sur les compétences, et prendra en considération l’ensemble du parcours de l’étudiant. La réforme de troisième cycle comporte désormais 3 phases (socle, consolidation et approfondissement). Elle inclut la possibilité d’accéder à des options et formations spécialisées transversales ainsi qu’une dernière année de formation où les internes seront désormais des « Docteurs juniors » avec pour objectif de gagner progressivement en autonomie sous la responsabilité d’un médecin senior et la possibilité d’effectuer des astreintes et gardes de senior. La première promotion de docteurs juniors commence en novembre prochain, sur des terrains de stage agréés. Elle est organisée sous la responsabilité des coordonnateurs locaux et régionaux des spécialités en lien avec la faculté et l’Agence régionale de la santé.
Est-il facile de mettre en place des réformes dans ce contexte particulier ?
Il est déjà compliqué de mettre en œuvre une réforme en temps normal. Là, il s’agit de trois réformes en période de crise sanitaire. Mais le mérite revient à tous ceux qui s’investissent à la faculté : le personnel, les assesseurs des trois cycles en interaction active avec les responsables des disciplines et les représentants des étudiants.
Quelles sont vos ambitions pour la faculté de médecine dans les années qui viennent ?
Mes objectifs sont de fédérer toutes les filières au sein d’une faculté des études en santé, de stimuler la réflexion avec le CHU et l’université sur la stratégie de la recherche, d’évoluer dans nos modes d’enseignement, d’être proactif, en synergie avec Anne Costa, la directrice générale du CHU, et le Pr Bertrand Debaene, le président de la commission médicale d’établissement, pour permettre l’éclosion locale des jeunes pousses et le recrutement d’hospitalo-universitaires, de favoriser l’intégration universitaire des instituts paramédicaux.