Interview du Dr Sébastien Levesque

Cardiologue et co-responsable de l’unité de soins intensifs cardiologiques au CHU de Poitiers, le Dr Sébastien Levesque exerce dans le service de cardiologie interventionnelle coronaire et structurale. Il traite la maladie coronarienne tant dans sa forme stable – l’angine de poitrine – que dans sa prise en charge urgente – l’infarctus – sur le plan interventionnel – l’angioplastie – et hospitalier au travers des soins intensifs.

Et parce que comme il le dit lui-même « la cardiologie, comme beaucoup d’autres spécialités, est un domaine qui évolue sans cesse et nécessite de se spécialiser toujours plus », il mène depuis 2017 un projet de recherche sur l’utilisation d’une technique d’imagerie innovante, la tomographie par cohérence optique, à la suite d’une angioplastie.

Certaines pathologies coronaires nécessitent la pose de stent, ressort métallique, maillé et tubulaire. Cette procédure, appelée angioplastie coronaire consiste donc à insérer un stent dans l’artère coronaire pour la maintenir ouverte. L’intervention se révèle bien plus complexe et plus risquée lorsque les artères à traiter sont obstruées depuis plusieurs mois. Des stents mal positionnés empêchent une bonne cicatrisation de la paroi artérielle interne ce qui peut modifier l’évolution habituelle et le traitement qui y est associé.

Le Dr Levesque préconise l’utilisation de la tomographie par cohérence optique (OCT) pour contrôler l’apposition et la ré-endothélialisation[1]des stents trois mois après une angioplastie (CTO). Plus souvent utilisée par les ophtalmologistes, l’OCT est une technique d’imagerie intracoronaire non invasive extrêmement précise, type laser à infrarouge, qui offre des images d’excellente résolution (10 microns en résolution axiale). Outre un meilleur suivi post opératoire, cette technique d’imagerie permettrait de réduire de façon significative les complications à moyen et long terme.

Où en est votre recherche sur l’utilisation de la tomographie par cohérence optique (OCT) après une angioplastie ?

Nous avons fini les inclusions de patients fin février 2020. Nous avions fixé d’inclure 100 à 150 patients dans notre projet ; nous avons atteint un nombre de 130 participants. Chaque patient a signé un consentement sans hésitation parce que tous ont compris leur intérêt. Il ne s’agit pas d’une étude expérimentale dans le sens où l’on n’administre pas de produit. Nous demandons aux patients de pouvoir utiliser les images issues de l’OCT à des fins d’analyses médicales.

Après l’inclusion, il ne nous reste plus qu’à rassembler les résultats qui vont nous parvenir des autres centres participants[2] pour en faire, ensuite, une analyse.

Sébastien Levesque présentant son projet de recherche lors de la Nuit des chercheurs – octobre 2019

Avez-vous déjà quelques conclusions sur votre recherche ?

Il est pour l’instant difficile d’avancer des postulats. Il nous faut avant réaliser des analyses bien précises de tous les résultats. Mais nos premières impressions démontrent que cette étude devait être menée : nous avons vu des anomalies et des descriptions de choses que nous n’avions jamais vu auparavant. L’OCT offre des informations que nous n’obtenons pas avec les techniques d’imageries classiques. C’est très intéressant. L’ensemble des médecins participants était enthousiaste. Nous avons beaucoup échangé lorsque nous nous trouvions face à des images inhabituelles. Par exemple, nous nous sommes aperçus que dans le type de lésions particulières que nous avons étudié, l’artère autour des stents cicatrisait différemment. Et par conséquent, si elle cicatrise différemment cela nous oblige à faire une surveillance un peu différente de celle que nous faisons d’habitude. Et c’est ce que je veux démontrer par le biais de cette étude : ces patients doivent avoir un contrôle systématique trois mois après l’angioplastie. Même si le résultat immédiat nous satisfait, cela ne suffit pas. Les patients doivent bénéficier d’un examen coronaire trois mois après pour « parachever » l’acte chirurgical. Et par sa précision et sa qualité d’image, l’OCT est une excellente technique d’imagerie pour réaliser ce contrôle.

De nombreuses personnes maîtrisent cette technique. Mais l’intérêt de notre projet est que nous préconisons son utilisation pour le contrôle des stents après occlusion chronique. Nous sommes dans un domaine très spécifique. Cela a un impact important parce que rien que dans notre hôpital, ce sont près de 100 patients qui en bénéficieront par an.

L’analyse des résultats est donc l’étape suivante de votre recherche ?

Effectivement, nous allons commencer l’analyse des résultats obtenus dans tous les centres participants. Il s’agit d’un travail assez long. Il faut compter au moins 2 à 3 heures par patients. Il s’agira donc d’un travail de plusieurs mois. Nous serons plusieurs à le faire. J’espère des résultats pour fin octobre. Ce ne seront cependant pas des résultats définitifs.

Après l’analyse des résultats, il y aura le travail de leur valorisation qui va prendre beaucoup de temps. Nous avons généré tellement de données qui donneront lieu à des publications et à des analyses de sous-groupes. L’exploitation des données va certainement durer encore pendant trois ou quatre ans.

Avez-vous déjà communiqué sur votre projet de recherche ?

Le protocole de l’étude a fait l’objet d’une publication dans une revue scientifique internationale – voir ci-dessous. Et certaines images OCT de notre recherche vont paraitre dans une autre revue de cardiologie interventionnelle. J’ai présenté la recherche lors de congrès. Cela a permis de faire connaitre cette compétence spécifique ainsi que l’intérêt de notre centre auprès de la communauté cardiologique. On sait que je travaille sur ce sujet et l’on vient me chercher pour en parler.

En quoi le financement fourni par le fonds Aliénor vous a-t-il aidé ?

Il nous a tout simplement permis de réaliser cette étude. Sans cet apport financier, elle n’aurait pas pu avoir lieu. Un grand grand merci aux mécènes, particuliers et entreprises, et à ceux qui, au quotidien, s’occupent de la promotion du fonds.

Pour en savoir plus

Participation au XXe Congrès francophone de cardiologie interventionnelle (octobre 2018 à Paris

Protocole de l’étude.

  • Levesque S et al. Post-stEnting assessment of Reendothelialization with optical Frequency domain imaging aftEr Chronic Total Occlusion procedure: the PERFE-CTO study design and rationale. Cardiovasc Revasc Med. 2019 Oct 25

 

[1] Lorsque le stent est naturellement recouvert par les cellules de la paroi interne de l’artère.

[2] CHU de Nîmes, CHU de Clermont-Ferrand, clinique mutualiste de Grenoble, clinique Pasteur de Essey les Nancy, hôpital du Confluent à Nantes et centre Saint-Laurent du Var, CHU de toulouse